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Le 20ème convoi

Extrait du Forestum nº76 - Plus jamais ça ?

Youra Livschitz

19 avril 1943, un train fonce dans la nuit, entre Mechelen et Haecht. Dans les wagons bondés, des femmes, des hommes, des enfants, de l’angoisse… Si ils ne savent pas toute l’horreur qui les attend, ils savent qu’ils vont à la mort… Quelque part dans la campagne isolée du Hageland, une lumière vacille sur la voie. Le train s’arrête. Le porteur de la lanterne disparaît dans la nuit. Juste à temps. La soldatesque allemande, embusquée dans un wagon a ouvert le feu sur lui. A l’arrière, une ombre surgie de la nuit ouvre les portes d’un wagon, dix-sept détenus parviennent à s’en échapper. Au bout de vingt minutes, le sinistre convoi repart. Cependant, à l’intérieur des wagons, des détenus attaquent les parois à l’aide d’outils qui leur ont été discrètement transmis à la Caserne Dossin, à Malines grâce à la complicité de gardiens de la prison de Forest, et sautent du train en marche. Au total, 236 Juifs s'échappent, 90 sont repris et 26 tués. D’autres se réfugient dans les environs, où sont hospitalisés à Tirlemont… D’où un commando tente de les libérer.

L’attaque du vingtième convoi reste un des hauts faits de la résistance en Belgique, sur lequel beaucoup de doutes planent. On sait qui étaient les trois auteurs : Georges Livschitz, qui brandit la lanterne sur la voie ; R. Maistriau, qui ouvrit les portes de wagons, et J. Franklemont. On sait qu’elle fit l’objet d’une longue préparation impliquant plusieurs réseaux bien structurés, du Groupe G (malgré les réticences de leur dirigeant, J. BURGERS, qui estimait l’opération trop risquée) au mouvement national belge qui comptait en son sein une brigade polonaise- laquelle avait quelques attaches à Forest. Gaston LEBLANC, Commissaire adjoint de la police de Forest ; résistant actif dont le rôle consista à aller rechercher un couple réfugié chez le curé de Roosdaal, village proche du lieu de l’attaque.

Youra LIVSCHITZ (1917-1944, résistant belge juif, Georges de son nom de guerre), dénoncé par un collabo et fusillé au Tir National à Schaerbeek le 17 février 1944. Il avait 27 ans !

Une première enquête sur le déroulement de l’attaque et le rôle que chacun y joua, fut menée en 1952, une autre en 1964 par Hubert Dumonceau de Bergendal, auteur de nombreuses recherches sur la déportation, pour le compte du Ministère de la Reconstruction et du Rapatriement. Nous possédons dans les fonds du CHPF une copie de cette dernière. Sa lecture nous laisse percevoir la dimension humaine derrière les faits historiques : dont la fragilité de la mémoire, les doutes aussi...

Simon Gronowski  (12/10/1931) est ce petit garçon de 11 ans qui, poussé par sa mère,  sauta du train du 20ᶱ convoi. Secouru par un garde-champêtre il sera un enfant caché jusqu’à la fin de la guerre. Devenu un brillant avocat du barreau de Bruxelles, il est toujours cet infatigable nonagénaire  que l’on voit régulièrement à la télévision et qui rappelle sans cesse l’horreur du racisme et le besoin de tolérance.

Simon Gronowski. Pour en savoir plus sur lui, c’est par ici.

Sources principale : Gauthier Viaene, la résistance à Forest, et la plate-forme WWII du CEGESOMA, que nous remercions pour leurs éclairages.

Michel Bastin
May 2025

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